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L’éducation en Haïti, quelle gouvernance, quelles perspectives ?!

Dernière mise à jour : 25 janv. 2021

Publié le 24-01-2021, à 9:47 | Éditions JPL


L’éducation en Haïti a, depuis ses débuts post coloniaux, été nivelée, stratifiée en raison de la classe sociale à laquelle on appartient. Aujourd’hui encore les écarts qui existent entre l’éducation reçue dans les écoles huppées, les écoles moyennes, les écoles de basse gamme et les écoles publiques sont si flagrants qu’on parle d’une éducation à plusieurs vitesses[1] que le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle n’arrive pas (en dépit de ses maigres efforts) à canaliser vers un même courant qui est un système éducatif uniforme. Pour ce, le Ministère devrait repenser la gouvernance de l’éducation car, penser gouvernance c’est penser performance, c’est en d’autres mots établir les conditions favorables de fonctionnement et d’organisation à partir d’une conception axée sur la rentabilité, les résultats attendus. Chatti et al. (2007) dans Bessette (2010), définissent la gouvernance en ces termes : « Les traditions et les institutions par lesquelles l’autorité est exercée dans un pays pour le bien commun ». Alors on est à se demander quelle gouvernance pour faire émerger indemne notre éducation de ces eaux troubles et tumultueuses et dans quelles perspectives ?


À l’image de l’Ile d’Haïti qui se baigne dans l’océan Atlantique au Nord et dans la mer des Caraïbes au Sud, l’éducation en Haïti patauge – à la noyade – dans les eaux troubles des insécurités de toutes sortes qui se sont décuplées depuis les fameux 5, 6 et 7 juillet 2018 avec les périodes de « lock » répétées et prolongées et de confinement sanitaire à cause de la pandémie de la Covid-19. Ces périodes de « lock » et de confinement traduisent la fermeture totale et/ou en partie de toutes activités laborales et académiques sur tout le territoire national. Ce qui bien sûr a affecté le secteur éducatif plus que tout. Le Ministère s’est alors retrouvé dans une situation d’« impuissance» car, alors que les strates huppées et certaines des écoles moyennes se tournaient vers la technologie pour poursuivre à distance les activités académiques, les écoles de basse gamme et publiques se retrouvaient dans l’impossibilité de continuer à fonctionner. Le Ministère n’a, malheureusement, pas pu emboiter le pas des écoles huppées et moyennes qui étaient passées en mode virtuel pour pouvoir tenter de boucler le programme académique. De fait, la diligence pour monter la plateforme numérique PR@TIC était louable mais la plateforme seule ne suffit pas car il fallait avant tout la mise en place de tout l’arsenal logistique et culturelle ; par logistique on entend matériel informatique et/ou technologique, électricité et accès à internet que les parents devaient disposer pour faciliter l’apprentissage de leurs enfants, ce qui n’est pas le cas chez cette catégorie d’élèves qui a recourt aux services éducatifs publics et des écoles de basse gamme ; culturelle parce qu’il faut tout un arsenal communicatif pour dans un premier temps sensibiliser les parents sur la nécessité de passer à un mode d’enseignement à distance afin de clore dans les temps le programme scolaire, mais dans un autre temps il fallait apprendre aux parents à être part de l’éducation de leurs enfants, à suppléer l’enseignant à la maison. Or, le MENFP n’était pas préparer pour y faire face ni en temps normal voire en temps de crise. Cette situation a interpellé le Ministère sur les faiblesses de sa gouvernance – qui aurait dû être efficace et efficiente – ce, en dépit des dispositions prises dans le Plan Opérationnel pour mettre l’accent sur la gouvernance de l’éducation comme stipulées dans les recommandations du Groupe de Travail sur l’Éducation et la Formation (GTEF) et en accordant une large place à la participation de tous les acteurs, en particulier les Conseils de Gestion d’École[2].


L’État, dans son rôle de régulateur de ce bien public qu’est l’éducation, doit passer des écrits et stipulés à la mise en application, ce, pour accroitre et favoriser l’équité éducative qui débouchera sur la justice sociale. Cette gouvernance équitable doit aussi viser une décentralisation responsable et un partage de tâche qui incluent tous les acteurs du système pour assurer sa bonne marche. Ceci dit, le MENFP doit, pour favoriser/prioriser une gouvernance de qualité, travailler de concert avec le service de l’énergie (électricité d’Haïti), le service téléphonique et internet, mais encore et surtout ses collaborateurs et partenaires à savoir : inspecteurs, directeurs, professeurs, parents, notables et élus locaux qui devront à la fois détenir les capacités professionnelles requises, développer les aptitudes et compétences susceptibles de les rendre plus réactifs, efficaces, efficients, transparents et surtout éthiques dans leurs actions éducatives ou pour l’éducation. Les politiques publiques relatives à la bonne gouvernance du système éducatif devraient selon nous s’axer sur le « Qui Former ». L’idée claire et nette de quel citoyen l’État veut avoir dans dix ans, dans quinze ans pour travailler au développement du pays est le leitmotiv capable d’encourager une gestion axée sur des résultats et donc une bonne gouvernance.

[1] Laennec Hurbon. L’Éducation, condition du développement en Haiti. https://ideas4development.org/education-haiti-condition-developpement/ [2] Réginald PAUL, Ministre de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP). Plan Opérationnel. 2010-2015.


Judith ST SURIN

Auteure


Sources consultées

- Plan Opérationnel 2010-2015

- Gérard Fallon, André Elias Mazawi. Accès, qualité et gouvernance dans l’éducation en Haiti. PCV, Canada 2014.

- Louis-Auguste Joint. Système éducatif et inégalités sociales en Haiti. Le cas des écoles catholiques. http//journals.openedition.org/rref/861


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